Le château de la Nuit

Dans le château de la Nuit siège Chaos, divinité crainte et enfermée ici pour le bien être du reste du monde.

Même captif, son rôle est d'être un gardien supplémentaire à l'entrée des Enfers.
Par son esprit, il contribue également à la puissance de la balance cosmique, et à l'équilibre de l'Univers.

Il fait sombre.
Si Dunlach avait encore la faculté de ressentir la chaleur, il pourrait même dire qu'il fait froid.
On dirait une immense prison.
Pourtant aucune porte n'est fermée, et il n'y a aucun barreau aux fenêtres. *Remarque cela serait inutile, ici, suis-je bête.*

Dunlach avance lentement et péniblement, appuyé sur un bâton trouvé sur la rive du Styx, un trou béant et sanguinolent à la place du coeur.

Soudain il s'arrête, il a senti une présence.
- Ainsi, c'était vrai. C'est bien ici que tu te caches, maître Chaos...
Une ombre se détache de l'un des pilliers de la pièce.
- Qui es-tu et pourquoi viens-tu troubler mon repos?
- Dunlach, humble magicien, pour vous servir, Maître.
- Qui t'a dit que j'étais ici?
- Des rumeurs parmi les âmes.... mêmes défunts les gens ne cessent de colporter maints ragots.
- ... qu'attends tu donc de moi, humble magicien nécromancien?
- Je vois que vous n'êtes pas "aveugle"... Et bien, juste discuter, Maître... juste discuter... Vous détenez tant de Vérités... C'est une chance incroyable que j'ai d'être là...
- Effectivement. Une chance d'autant plus incroyable que je ne vous ai pas encore pulvérisé...
- Et de cela je vous suis très reconnaissant. Accèderiez-vous donc à ma requête?
- Bof, cela m'aidera peut être à tuer le temps...

Chaos sort à présent totalement de l'ombre. Sa taille est à l'égal de son charisme: impressionnante. Vêtu de loques, il a cependant encore l'allure d'un roi. D'un geste théatral il désigne une grande arche en pierre. Ils s'y dirigent et accèdent à une espèce de "salle du trône", tout aussi sombre et froide que le reste.
A la grande surprise de Dunlach, une lueur bleue éclaire le centre de la pièce. Une boule. En s'approchant il s'aperçoit que c'est... la Terre.

Une voix masculine et familière résonna dans l'esprit de Dunlach. La voix d'Ewan.

-Fais gaffe, si tu carresses ce type dans le mauvais sens du poil, tu es un homme mort.

Dunlach ne pensa même pas à corriger Ewan en lui rappelant qu'il était déjà un homme mort, car c'était bien Ewan qui avait raison. Dans la situation présente, Dunlach n'était pas complètement un mort, grâce à ses pouvoirs entre autres, mais si Chaos le voulait, il détruirait Dunlach au-delà de tout espoir de reconstitution. L'être que le Nécromancien avait devant lui avait assez de pouvoir pour réaliser des actes cauchemardesques, comme celui de détruire complètement et à jamais son âme.

-Maître... J'ai rencontré des êtres qui se faisaient appeler Dieux et j'avoue avoir été surpris. Voilà qui nourrit mes interrogations et mon humble visite en ces lieux, où j'ai été honoré d'y être invité plus avant par vous même. Ces êtres sont certes, de mon point de vue d'humble nécromancien, terriblement puissants. Cependant, bien que l'on les appelle immortels, et que je convienne qu'ils sont difficiles à tuer et doivent avoir une grande espérance de vie, j'ai entendu parler à quelques reprises de déicide. De même, quand j'ai rencontré un ange, ou un diable, j'ai ressenti quelque chose, comme son appartenance à un ensemble. Mais pas chez les Dieux que j'ai rencontré, pis, j'ai également vu des Dieux se comporter aussi mal que des hommes, avec aussi peu de valeurs et de moralité.

-Maître, que sont vraiment ces créatures que j'ai rencontré ? Je ne leur ai pas trouvé de différences morales avec les hommes ! Leur divinité repose-t-elle donc sur leurs pouvoirs ? Pourtant, la force, qui donne pouvoir et nous rend plus difficiles à tuer, elle s'acquiert ! Les histoires de héros devenus Dieux foisonnent ! Y a-t-il vraiment une barrière infranchissable entre le statut d'homme et celui de dieu, Maître ? Existe-t-il des pouvoirs dont les hommes comme moi ne pourront jamais jouir ?

Chaos garde un silence pesant, toisant son interlocuteur de toute sa hauteur.
Puis il se tourne lentement et prend place sur le trône immense au fond de la pièce. Il désigne à Dunlach un petit banc sur lequel il peut à loisir se reposer s'il le souhaite.
- Le mobilier est quelque peu spartiate ici, je te prie de m'en excuser. Vois-tu, je n'ai point l'habitude de recevoir de la visite.

Dunlach accepte volontier de se poser sur le banc. La position verticale n'est décidément pas aisée pour quelqu'un privé de coeur...

Doucement, Chaos commence son explication.
- Il me semble étrange que pour quelqu'un ayant tant "vécu" que toi, et surtout ayant bénéficié d'une seconde vie miraculeuse, tu en saches si peu sur le monde qui t'entoure... Le temps passé au sommet de ta grande tour t'a décidément coupé l'accès à certaines connaissance, n'est-ce pas?

Bien... Situons déja un peu les choses... Les Dieux ne sont pas ce que tu sembles croire. Ils sont une race à part entière, comme les Démons, les Humains, les Elfes, les Nains, les Anges, les Chimères etc. S'ils possèdent une puissance hors du commun, cela n'en fait pas pour autant des êtres immortels et parfaits. Non. Ils entrent naturellement dans la logique du monde, et leurs grands pouvoirs leur confèrent un rôle de meneurs.
De plus, si un humain ne peut pas se transformer en Dieu au cours de sa vie, il peut tout à fait le devenir au cours d'une seconde vie, car en passant par ici, tout est possible. Certaines âmes obtiennent l'autorisation en haut lieu de se réincarner. Et le corps qui les reçoit n'est pas forcément de la même race que celle d'origine.
Ainsi un humain peut devenir un Dieu. Un Elfe peut devenir un Ange. Etc etc. Tout dépend des actions faites dans leur vie, de leur volonté, et des besoins de la Balance Universelle.
Ainsi, même Zeus et Lucifer sont un jour nés, et mourront inéluctablement.

Chaos toussote.
- Concernant maintenant les valeurs de chacune des races, je pense que mon explication précédente répond d'emblée. On ne peut attendre la parfection d'une race par définition imparfaite. Et je ne vois pas pourquoi les Dieux n'auraient pas le droit de ressentir des émotions, de vivre, intéragir avec le monde, de la même façon que les autres races. La valeur d'un être se mesure à ses actes, non à sa naissance, tu l'as bien résumé. Même s'il est vrai qu'en naissant Dieu, on a un peu plus de chances d'accomplir des miracles qu'en naissant simple humain...

Dunlach s'assit avec plaisir pendant la réponse de Chaos. C'est à la fois ce qu'il espérait... Et craignait.

-Je vois... Merci de votre réponse, maître. Effectivement, bien du savoir me manque pour réaliser mon oeuvre. Je dois également avouer que j'attendais plus des Dieux que de simples êtres différents. Ce qui lève une nouvelle interroagation, maître. Vous semblez lire en moi comme un livre ouvert, je suppose donc que vous connaissez mon but. Le pouvoir. Non pas pour ma vengeance. Mais pour rendre ce que j'ai volé. Je ne compte pas racheter mes crimes, ni me racheter une conduite. Mais, maître, c'est ce que mon âme m'ordonne de faire. Quelque soit le temps que ça prendra. Même si je dois entacher mon âme du sang des dieux, des diables ou pire. Mais, je vous en prie, répondez-moi maître, un Dieu possède-t-il le pouvoir que je convoite ?

Chaos ignore royalement la dernière question posée par Dunlach.

- Et qu'estimes-tu donc avoir "volé"? J'aimerais comprendre un peu mieux en quoi ta soif de "pouvoir" est différente de celle qui anime n'importe quel être vivant...

Dunlach força un peu sur ses pouvoirs pour rendre Ewan et la femme qu'il aimait visibles.

-Je leur ai tout pris, corps, âmes, futurs, tout. La nécromancie est une magie perverse, elle devient plus puissante naturellement, avec le temps, mais à tout moment, via le sacrifice d'une âme, on peut l'augmenter de manière drastique. Ces deux esprits m'ont offert leur vie volontairement en l'échange d'un voeu. Le pouvoir que j'ai acquis par ce biais est tout bonnement incroyable. Mais malgré tout. Malgré que ce soit leur choix, malgré le fait que j'ai exaucé leurs voeux, cela ne change rien au fait que je les ai tués pour obtenir plus de puissance au nom de ma vengeance. Cette réponse vous satisfait-elle, maître ?

- Voilà donc d'où provient ton sentiment de culpabilité, même s'il ne me semble pas jusitifié. En effet, il ne sert à rien d'avoir des remords à partir du moment où tu as agi dans un but précis et en connaissance de cause. D'autant plus si ces personnes t'ont donné leur accord.
Mais bon, passons, tu es humain après tout.
Cela, en revanche, n'explique en rien pourquoi ta soif de pouvoir serait différente des autres.

-Je n'ai pas dit que j'étais unique en mon genre, j'ai juste affirmé qu'elle avait changé par rapport à ma soif de puissance quand je cherchais la vengeance. Mais il est vrai que l'on peut faire un parallèle entre cet ancien désir et la soif de puissance de tout le monde en général. L'on pense toujours être prêt à tout pour atteindre son but. Mais j'ai découvert que c'était faux.
Pour ma vengeance je n'étais pas prêt à rester sur le chemin de la consumation d'âmes. Ce n'est pas un désir en l'air, un vague but, mais bien un objectif, j'obtiendrai le pouvoir de donner la vie. J'ai un plan pour réussir, un plan déjà en branle d'ailleurs, maître. Pour obtenir des renseignements qui peuvent augmenter les chances de réussite de ce plan, j'ai accepté de mourir, risqué de vous rencontrer...

Dunlach réprouva un petit rire qui lui fit mal.

-Je marche sur les traces d'Orphée, dirait-on.

- ... un plan déja en branle, dis-tu? Je serais curieux d'en savoir plus.

Chaos regardait maintenant Dunlach avec un air amusé, comme si ce dernier lui proposait le divertissement du siècle.

Dunlach sourit à son tour, il sentait l'image qu'il renvoyait à ses deux alliés esprits. Il était voûté, pâle, le visage crispé de douleur, un rictus sur les lèvres. Et c'était cet homme qui se tenait en face d'un des êtres les plus puissants au monde.

-Certains Dieux ont le pouvoir de rendre la vie. C'est la base de mon raisonnement. Et il m'a semblé que vous ne démentiez pas cette affirmation, maître. Donc, pour obtenir le pouvoir de donner la vie, il me faut un pouvoir divin. Or, en utilisant l'âme d'un Dieu comme amplificateur, je devrais atteindre ce niveau. Se pose alors un problème, qui en a vu naître un autre, par ailleurs. Sans me surestimer et en me basant sur les Dieux que j'ai rencontré, je devrais être capable d'un déicide. Cependant, cet exploit me coûterait toutes mes ressources et je me retrouverai dans l'impossibilité d'assimiler l'âme divine par faute de pouvoir. A vrai dire, cette assimilation d'âme devrait me coûter toutes ma puissance nécromantique. Et vaincre un Dieu avec ma puissance magique seule n'est pas envisageable. C'est alors, maître, que j'ai rencontré un jeune garçon. je pourrais vous le décrire, mais voilà qui le résume bien.

Dunlach leva un doigt et traça un cercle de lumière parcouru d'une petite bille bleue, cette bille le parcourait tantôt à l'intérieur tantôt à l'extérieur.

-Un cercle de Möebius. Ce gamin possède pas moins de trois pouvoirs différents dont deux antinomiques. Il possède un mouvement perpétuel en guise de générateur d'énergie. En temps normal il n'a accès qu'aux deux premières, mais dès qu'il en utilise une, appelons-là pouvoir 1, maître. Pouvoir 2 augmente en conséquence, ce qui entraîne une spirale infernale, puisque pour contrebalancer la montée en puissance de pouvoir 2, pouvoir 1 réaugmente à son tour. Jusqu'à arriver au point de saturation. Là, c'est au tour de pouvoir 3 de subir une énorme montée pour empêcher les pouvoirs 1&2 de tuer le pauvre gamin en le faisant exploser. Un exemple valant mieux qu'un long discours, maître, voilà ce qui se passerait dans une situation de combat.

Dunlach fit apparaître une forme humaine faite de brume dans les airs, elle était petite, assez pour tenir dans la main de Dunlach. De même, trois barres colorées apparurent à côté, une rouge, une verte et une jaune. Une nouvelle figurine de brume apparût, ayant la forme d'un loup-garou. Les deux statuettes se mirent à se cogner dessus.

-Remarquez, maître, qu'il n'utilise pas encore ses pouvoirs, cependant, les pouvoirs1&2 réagissent à ses pulsions et à ses instincts, les pulsions meurtrières pour l'un et l'instinct de survie pour l'autre. En un mot, il ne possède même pas le choix de ne pas les utiliser.

Au même moment, la figurine humanoïde commença à lancer des sorts sur celle du loup-garou. La barre rouge commença à baisser. Tout à coup la barre jaune augmenta et tenta de dévorer la barre rouge, cette dernière augmenta dans la même proportion pour ne pas se faire dévorer. La barre verte, plus basse, empêchait au maximum les deux barres de se rencontrer. Les trois jauges continuèrent d'augmenter, encore et toujours.

-Bien sûr, cette énergie n'apparaît pas de nulle part, elle est, en tout cas en partie, produite par le corps du sujet, le fatiguant. Jusqu'à ce que cette fatigue et les puissances 1&2 qui l'habitent atteignent leur paroxysme.

A ces mots, la figurine humaine cessa de se battre et se prit la tête entre les mains, une espèce d'aura l'enveloppa, Dunlach ayant vraiment la soif du détail. Du côté des énergies, la barre verte explosa, dépassant le niveau des deux autres.

-A ce moment, le pouvoir 3 lui confère une vigueur surnaturelle compensant sa fatigue. C'est à ce moment que ses énergies, au lieu de continuer à augmenter, descendent normalement.

En effet, autant la jauge verte restait à son maximum, autant les deux autres commencèrent à descendre. Lentement. Dunlach, d'un geste de la main, rendit les figurines bien plus frénétiques et la descente plus rapide, puis, d'un autre geste, lui rendirent des vitesses normales quand les deux jauges furent épuisées.

-Là, en prenant par principe que l'ennemi est toujours debout, le gamin gardera sa vigueur le temps de vider sa dernière jauge d'énergie avant de sombrer dans l'inconscience.

Dunlach claqua ds doigts et la brume disparut.

-En utilisant ce jeune homme, que je pense déjà capable de déicide à lui seul, j'ai toutes les chances de vaincre un Dieu sans utiliser une goutte de mon pouvoir nécromantique. Se pose un seul problème : Comment amener cet homme à attaquer un Dieu en ma compagnie ? Tout simplement en le rendant le témoin impuissant de mon meurtre par un Dieu. Ce qui est fait. Vu son caractère, il va apprendre ma survie miraculeuse -Dunlach toussota- avec joie et me considérer comme un allié, alors qu'il verra plus que tout autres les machinations divines et, encore mieux, d'un nouvel oeil. D'un mauvais oeil. Ces divinités ne nous disent pas tout, à nous "mortels". Il va trouver cette conduite dangeureuse, ce qui va alimenter son désir d'arrêter les Dieux. Il ne me restera plus qu'à louvoyer assez finement et je récupérerai mon coeur et le pouvoir. Maître.

D'ailleurs, connaissez-vous la signification de ce rituel ? Je ne connais guère de magie qui nécessite le vol littéral d'un coeur, mais mes connaissances, comme vous me l'avez fait signaler, sont limitées, maître.

Chaos part d'un grand éclat de rire.

En se calmant, il réussit à articuler
- Tu me plais, petit... Décidément tu me plais. Ton esprit est encore plus tordu que celui des Démons...

Dunlach est étonné de l'hillarité de l'Etre. Il ne s'en offusque pas pour autant.

- Juste une question... Cela ne t'est-il pas venu à l'esprit de tout simplement demander à quelqu'un? Tu te dis prêt à tout pour disposer du pouvoir de rendre la vie... Or il y a effectivement des êtres sur Terre capables de cette manoeuvre. Plutôt que de les absorber, pourquoi ne pas leur demander poliment?

Chaos repart d'un nouvel éclat de rire.

- Bon... Je vais te simplifier la tâche... Aphrodite a bien des pouvoirs, mais pas celui de rendre la vie. A la limite Zeus le pourrait, avec bien des négociations. Mais soyons sérieux, tu parles là de mort, donc d'âmes, donc de quelquechose régi à 100% par les Enfers. Si tu veux le pouvoir de rendre la vie aux âmes à coup sûr, absorbe Lucifer. Ou un des 3 Juges. Ou moi-même... Penses-tu pouvoir y arriver? AH AH AH AH AH
Soyons sérieux... Sinon, d'autres races sur Terre; notament les elfes, ont acquis suffisament de sagesse pour réussir à concocter certaines potions ayant également ce pouvoir. Même s'il y a des "clauses particulières" ou des "effets indésirables".
A peu près n'importe quel sorcier un peu fort peut, de nos jours, rendre la vie à un corps qui vient juste de périr. Faire réintégrer son corps à une âme encore présente non loin est d'une simplicté presque enfantine, tellement que je m'étonne que tu ne le maîtrises pas encore.
Cela se complique lorsqu'il s'agit d'âmes depuis longtemps arrivées aux Enfers, d'autant plus si leur corps a disparu ou s'il est bien trop abîmé pour être réintégré. En ce cas il faut être d'un niveau un peu supérieur. Mais ce n'est pas impossible.
Alors de deux choses l'une. Ou ton but principal est de rendre la vie à ces deux êtres "chers", auquel cas le plus simple serait de demander à une personne "capable" de le faire pour toi, ou alors c'est d'acquérir ce pouvoir, auquel cas tu te donnes de bien belles raisons pour de bien sombres desseins... et tu te voiles la face.

A ces mots Chaos reprend un air grave. Son regard se fait sévère et effrayant. Même la Terre, non loin d'eux, semble geler sur place.

Le regard de Dunlach, également, est gelé. Froid et incisif comme des cristaux de glace.

-Je ne me cache pas. Et voilà le noeud du problème. Maître. Ce simple fait me coupe les trois possibilités que vous venez d'évoquer. Je ne peux me permettre une résurrection imparfaite, via les breuvages elfiques entre autres, à cause des effets secondaires. Ce serait me cacher derrière mes mots. Je ne l'ai pas dit explicitement, mais je leur rendrai leur vie, avec tout ce qui va avec. Je ne me cacherai pas derrière de pâles excuses si jamais leur corps se détèriore. Pour ce qui est de les ramener moi-même à la vie, j'ai bien sûr essayé, mais pour mes capacités actuelles, c'est impossible. Je peux leur faire regagner leurs cinq sens, faire battre leurs coeurs, mais pour une durée limitée. Je peux associer corps et âmes, mais pas les marier définitivement, ils se rejettent. Pire, ils ne vieillissent pas et ne peuvent pas procréer. Mespouvoirs actuels leur permettent de reprendre un simulacre de vie, rien de plus.

Dunlach soupira, sa poitrine lui faisait vraiment mal.

-Il faut vraiment à tout prix que je me refabrique un coeur en attendant de remettre la main sur l'ancien... Dit-il tout bas. Et je ne peux pas non plus demander poliment à des instances supérieures. Il suffit de voir comment les Dieux m'ont reçus : Ils avaient besoin de moi, mais ils n'ont pas été me le demander, non, ils ont été m'offrir une chance de me racheter. En un mot, de leur devoir obéissance et loyauté à tout prix et sans rien en retour. Leurs égaux démoniaques me recevraient-ils mieux ? Si l'on veut obtenir quelque chose d'autrui, il faut un échange, qui dit échange dit égalité entre les deux êtres, sinon, celui qui a la main ne respectera pas sa part du contrat. Avec une âme divine en ma possession, je peux tout de suite amener le terrain sur des bases plus saines.

La voix et le regard de Dunlach s'assombrirent.

-Pire, sans notion d'égalité, ils se sentiront le droit de reprendre ce qu'ils ont donné. Ou de garder un acte de propriété, en quelques sortes. Je me retrouverai alors comme leur chien. Ils tiendraient en otages leurs vies. C'est pour ça que je veux le pouvoir de les ramener à la vie moi-même, maître. C'est le seul moyen de leur garantir la liberté. Bien sûr, avoir le pouvoir de réaliser une telle chose me sera plus qu'utile dans mes noirs desseins. Je ne le cache pas. Mais ce n'est qu'un petit bonus, la cerise sur le gâteau, pas ma raison première. Chose amusante, je dis que je n'aurai jamais fait un marché sans rapport d'égalité, alors qu'en fait, j'avais à l'idée, à un moment, de vous proposer un accord, maître... Un accord bien tordu comme vous semblez les aimer.

- Je comprends ton point de vue. En ce cas, pour faire simple, il te faudrait une bonne monnaie d'échange face à Lucifer ou un des trois Juges. Encore que... Non les Juges n'agiront pas par intérêt et n'accepteront pas d'échange, je pense. Lucifer me parait plus adapté. Mais rien que le fait de t'en approcher te mettrait déja en danger de mort...

Chaos tourne la tête vers la Terre, ferme les yeux et se concentre un moment.
Après avoir visiblement fait la part du pour et du contre il s'approche de Dunlach, et place son immense main au niveau de sa poitrine. Son autre main se lève au dessus de leurs têtes. Diverses vagues d'énergies affluents. L'image est impressionnante et Dunlach a peine à réprimer son envie de fermer les yeux pour se protéger de l'éblouissement.
La peur l'étreint tout à coup: que fabrique-t-il? Va-t-il me tuer? S'est-il lassé de mes jérémiades?



Une vague de chaleur transperce le corps de Dunlach. Il est projeté à 15 mètres de là. La lumière s'éteint. Chaos s'approche de lui
- C'est bon, tu peux te relever?
Dunlach secoue la tête comme pour remettre ses idées en place, et s'appuie sur sa canne pour se relever. Machinalement il passe la main à l'endroit de son coeur... et constate que le trou béant a disparu.

-Je... Merci.

Dunlach tituba un peu, il avait quand même été projeté 15 mètres en arrière. Il se demandait la raison d'un tel traîtement quand il sentit une main douce et pourtant fantomatique sur son épaule. Il en sentit l'inquiétude et il posa sa propre main dessus, tentant de la réconforter. Bien sûr, l'esprit n'ayant pas de consistance, on aurait juste dit que Dunlach attardait une main sur son épaule. Il était empli de gratitude pour le maître des lieux et le laissa reprendre l'initiative de la conversation... Si jamais il voulait qu'il y ait une suite.

- héhéhé... Ne vas tu pas dire à présent que tu m'es redevable de par ce service rendu, que cela t'enchaine et donc te bride? N'est-ce pas précisément cela que tu voulais éviter?

-Pas quand je peux rembourser ma dette séance tenante, maître. Répondit Dunlach avec un grand sourire. Il ferma les yeux un instant, tout à son plaisir d'avoir retrouvé un coeur et espérait ne pas avoir à se l'arracher pour le rendre à Chaos de si tôt.

Dunlach jeta un regard à la Terre.

-Sans vouloir vous importuner, maître, savez vous donc où en sont Aphrodite et son groupe ?

- Rassure toi sur un point, tu n'auras jamais à me rendre quoi que ce soit. Tu connais mon principe, tu sais donc que je ne fais rien par hasard ni gentillesse. Je t'ai rendu ton coeur juste pour équilibrer les choses. Tu ne me dois donc rien. Si un jour la balance venait à pencher de l'autre côté je serai peut être amené à te sacrifier sur le champ, sans en éprouver le moindre remord non plus.
Bien, maintenant que les choses sont claires... ahem... Ton ancien groupe ne va pas tarder à arriver. Ils vont débarquer dans la plaine des enfants, et très certainement se diriger vers les Champs Elysées, sauf s'ils ont envie de récupérer quelqu'un d'innocent chez Minos... Mais je ne crois pas qu'ils soient encore conscients de toutes les possibilités qu'ouvrent les Enfers... Aussi ils se contenteront d'abord de chercher Radamanthe. Le spectacle promet d'être amusant, car celui-ci n'est pas encore éveillé. Mais dès qu'il le sera... hihihi je m'en réjouis d'avance...

-Radamanthe... S'ils sont restés les même que quand j'étais avec eux... Non, même s'ils sont devenus bien plus puissants, ils ne feront pas le poids... Et de très loin... Dunlach réfléchit à toute vitesse, cela ne se goupillait pas bien. Pas bien du tout.

-Connaissant mon... Allié, il protégera la femme qu'il aime à tout prix... Mais même avec lui ce sera impossible. Dunlach eut un sourire et se passa une main dans ses cheveux ondulés.

-Maître, cette mélodie guerrière qui s'annonce est ma foi très entraînante, me pardonneriez-vous d'aller m'y abandonner ? Même si cela ne change rien au résultat. Juste pour goûter une fois de plus à ce délice que l'on ne ressent qu'au milieu d'un affrontement...

- Je ne le concevais pas autrement. Si je t'ai rendu un coeur c'est pour que tu sois en mesure de te battre, n'est-ce pas?
Et puis, cela ajoutera un peu de piquant. Car tu vas leur apporter quelquechose en plus: mon soutien.

Dunlach regarde Chaos d'un air étonné.

- Oui, je sais, cela ne me ressemble guère. Mais je m'ennuie tellement... Et puis d'un autre côté, en tant que représentant et garant de la Balance Cosmique, mon devoir n'est-il pas d'équilibrer aussi les choses?
Attention, que l'on s'entende bien, je ne vous aiderai aucunement à récupérer une personne, âme ou un quelconque objet, ni à vous rendre chez Lucifer. Non, ça, vous vous débrouillerez. Tout comme je ne sauverai pas de la mort quiconque se sera jeté à corps perdu dans une bataille perdue d'avance. En revanche, je pourrai donner un "malus" à ceux qui s'attaqueront délibérément à vous. Freiner leur avancée, limiter leurs pouvoirs... Oui, cela rendra le jeu plus palpitant qu'une simple exécution...

Chaos souriait à présent de façon entière et sincère. Ses yeux reflétaient un grand amusement, presque une excitation à voir venir les choses.

-Je ne puis que vous remercier de nous accorder tant d'attentions maître. J'espère simplement que la musique qui va se jouer sera aussi belle que la partition.

Le regard de Dunlach se fit vague pendant un instant.

-Ils sont là, la musique commence, maître...

Dunlach fit une gracieuse révérence.

-Avec votre permission, je désirerai prendre congé pour me mêler, selon vos désirs à cette magnifique ôde que je sens poindre.

- bon vent alors ! je ne vous quitterai pas des yeux !

En disant cela, Chaos se dirige vers la planète bleue et y plonge son regard.

Dunlach quitte la pièce sur une dernière révérence, sort du château et se retrouve dans l'Erèbe

L'endroit où Radamanthe réapparait aux côtés de Sendièl glace le sang de ce dernier.

Ce château immense est sombre, l'ambiance est glaciale, de mort.

Ils sont à l'entrée d'une immense salle dont on ne distingue ni le plafond ni le mur du fond. AU centre de la salle trône la planète bleue, plus grosse et plus réaliste que la boule dans laquelle regadaient Rochel et le Juge précédemment. Elle tourne lentement, silencieusement.

Viraèl a réintégré le corps de Sendièl. Le collier se fait plus pesant et serré qu'il ne l'était, ajoutant un degré supplémentaire à la tension qui règne en Sendièl.

Jamais il n'aurait pensé avoir peur en ce lieu, ni se sentir plus impressionné qu'en présence des Dieux.

Lentement, Chaos sort des ténèbres du fond de la salle. D'un geste autoritaire il intime à Radamanthe l'ordre d'expliciter sa présence, accompagné qui plus est.

Radamanthe pose un genou à terre et parle en fixant le sol
- Maître, je suis venu à vous pour m'aider à trancher un problème épineux. L'ange que voici a perdu ses ailes, et il héberge en lui un avatar, ancien ami de Rochel. Ils souhaitent être séparés et que Viraèl, l'avatar, retrouve une existence palpable. Ne voulant pas troubler l'ordre de l'Univers, je me suis permis de venir quémander votre avis. Pouvons nous, oui ou non, permettre une telle exception?

Chaos ne répond pas. Il approche à pas lents, révélant au fur et à mesure à Sendièl sa taille impressionnante et son aspect étrange.
Vêtu de simple loques, il a malgré tout l'allure imposante d'un roi.
Son visage dénué d'expression intime malgré tout un immense respect.
Dans ses yeux couleur or brille une lumière étrange et dérangeante.
Il est impossible de déterminé de quelle race est cet être, et même si une telle race existe vraiment.
Radamanthe tire le bras de Sendièl, l'obligeant à s'agenouiller également, en position de soumission.
Mais l'ange garde la tête effrontément haute, tenant à ne pas rater une seule image de cet être magique. Il tente d'analyser chaque mouvement, chaque regard, cherchant malgré lui à trouver une faille et ainsi démystifier l'ensemble, éliminer la crainte.

Mais c'est peine perdue, car Chaos étant maintenant tout proche de l'ange, il sait que même s'il le voulait il ne pourrait même pas lever la main contre lui.

L'être se penche. Sendièl est paralysé, chacun de ses membres le fait atrocement souffrir. Il voudrait parler, faire quelquechose, mais il semble que le moment où la liberté de s'exprimer lui sera offerte ne soit pas encore arrivé.
Prenant patience, il ferme les yeux et attend.

Chaos tend le bras, et d'un geste vif, arrache le collier maudit.

- Etre torturé, parle maintenant. Essaie de me convaincre. Pour cela je vais t'expliquer mon rôle exact.
Je suis le Gardien de la Balance Cosmique. Je ne sais pas si tu en as déja entendu parler, n'est-ce pas? La Balance Cosmique est la créatrice de l'Univers. Et celle qui le maintient en état de marche. Elle équilibre les forces en action. Le Bien, le Mal, car chacun est nécessaire. Sans elle, l'Univers disparaitrait très rapidement. Mais elle ne peut agir directement puisqu'elle est divinité pure, concept, bien au dessus de l'existence palpable, des âmes, des vivants, des morts, de tout. Elle a donc son Gardien, qui incarne Sa Justice et fait respecter Ses Lois.
A présent, je t'écoute.

Sendièl demeura silencieux.
Il ne savait vraiment pas quoi dire, ayant l'impression que chacune de ses paroles n'aurait pas le moindre sens face à une entité d'une telle envergure.
Convaincre Chaos...
Finalement, il n'avait plus tellement envie d'être séparé de Viraèl...
Il bannit cette idée de son esprit, même un tel être ne pouvait pas si facilement venir à bout de ses convictions. Du moins, c'est à cette pensée qu'il s'accrocha pour que sa langue se délie enfin.

"Il va m'être bien difficile de vous convaincre de quoi que ce soit, murmura-t-il, je ne suis moi-même pas tout à fait sûr de tenir la bonne solution en ce qui nous concerne, Viraèl et moi. Mais je suppose que vous saurez en juger rapidement et me remettre à ma place s'il le faut, en me signalant la moindre erreur de jugement."

Viraèl lui parut bien calme mais il ne s'interrompit que quelques courtes secondes.

"A l'heure d'aujourd'hui, ce sont nos existences à tous les deux qui sont menacées. Viraèl, sans un corps en bon état, qu'il soit le sien ou non, est voué à disparaître. Ce collier l'empêche de quitter le mien, mais sans mes ailes, je ne peux le garder en moi sans risquer de mourir aussi, dévoré par sa malédiction. Ce serait de toute façon aussi le cas si je ne les avais pas sacrifiées...."

Il pinça les lèvres, le regard empli de regrets amers.

"Il m'est impossible de juger de qui a le droit de vivre ou de mourir, même si je me le suis autrefois permis. C'est pourquoi je pense qu'une séparation vaut mieux qu'autre chose. Nous aurons ainsi tous les deux notre chance...J'aimerais vivre pour honorer une promesse faite à mon frère...Même si je n'y ai pas répondu par des mots. J'ai failli une fois déjà, en me donnant bêtement la mort, je souhaiterais pouvoir réparer cette erreur en me montrant plus fort face à l'adversité. Quant à Viraèl...Il est mieux placé que moi pour vous exposer ses raisons."

Sendièl laissa l'avatar prendre la parole à travers lui.
Etrangement, même sans le collier, ce dernier n'avait pas quitté le corps de son hôte.

"En ce qui me concerne, souffla Viral d'un air fort sombre, je crois avoir un rôle important à jouer dans cette guerre qui déchire la Terre. Je vais vous paraître bouffi d'orgueil, mais tant pis, c'est dans ma nature. Eh oui,...j'ai survécu au pire en protégeant quelqu'un, puis en résistant au suicide de cet imbécile d'ange déchu...je ne vois pas pourquoi la mort m'attendrait déjà, après tout ça! A moins que je sois juste accroché à la vie comme une sangsue, ce qui peut aussi être une belle éventualité."

Il ricana.

"De toute façon, j'ai de nouveau quelqu'un à protéger, et je ne tiens pas à louper mon coup cette fois..."

Chaos, qui s'était redressé pour écouter Sendièl parler, se rapproche à nouveau du visage de l'ange. Près, si près que ses longs cheveux argentés balaient sa joue. Sendièl frissonne. Etre examiné ainsi est parfaitement désagréable.

Enfin, Chaos s'éloigne tout en parlant. Il se dirige vers la Terre.

- Je t'ai débarrassé du collier. Mais, si je peux à loisir vous rendre une existence saine, il y a une chose que je ne pourrai pas faire: vous séparer. Même dans 2 corps distincts, il vous faudrait rester pour toujours enchainés l'un à l'autre. Deux destins liés. L'un représentant la lumière, l'autre sa part d'ombre. Sendièl, te laisser faire ton chemin seul serait bien trop dangereux. Tu as besoin de ton avatar. Approche un peu par là.

L'ange se relève et avance lentement. Ses membres engourdis lui paraissent peser une tonne chaque.

Il atteint la planète, et tend le cou pour voir.
Chaos touche la surface. Des "zoom" s'affichent alors. Les batailles en cours. Arès pourfendant des centaines de vampires. Apollon les touchant de la lumière du soleil afin de les faire disparaitre à jamais. Athéna derrière eux, rendant la vie aux humains innocents tombés au combat.

Dans une autre "fenêtre", on voit les nains s'activer pour faire reculer l'ennemi aux portes d'Athènes. Il fait nuit, les flèches enflammées pleuvent, mais les rangs de vampires se relèvent chaque fois. L'aube ne tardera pas, et la ville sera sauvée encore pour un jour, mais jusqu'à quand?

Ailleurs, Sendièl aperçoit les armées de sorciers avancer vers la forêt des elfes, Landavar à leur tête, juché sur son dragon. Il y a fort à parier pour que le combat soit rude de ce côté...

- Comme tu peux le constater, les choses sont déséquilibrées. Radamanthe est réapparu pour cela. Son rôle est de m'aider à maintenir l'équilibre. Car si je suis le gardien de la Balance, je ne peux, moi, ni sortir ni aller me battre. Il le fait donc pour moi. Les Dieux vont gagner à Londres, mais les autres camps ont besoin d'eux également. Et ne pouvant pas rester trop longtemps sur Terre sans devenir mortels, le temps leur manquera. Landavar va mettre la forêt des elfes à feu et à sang. Athène sera prise très vite. Radamanthe va donc devoir aller se battre, du côté du "Bien" cette fois, afin de rétablir l'ordre.

Chaos laisse passer un moment puis ferme tous les "zoom".
- Tu dois te sentir bien petit au milieu de tout cela, n'est-ce pas... Je ne cherche pas à minimiser le rôle que tu pourrais avoir dans cette guerre. Mais je n'ai pas l'impression que tu y changerais grand chose...
La seule chose qui m'ennuie à présent, c'est que Radamanthe a toujours suffi pour éteindre les feux lancés principalement par les hommes. Et aujourd'hui, j'ai peur qu'il ne suffise pas. Les puissances en marche n'ont jamais été aussi grandes. Il sera difficile de les contrer, même pour lui.